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Programme

Arguments du colloque

 

 " LA REPRESENTATION DU DESERT "
Les arguments

RELATION A L'IMAGINAIRE

1) Claude-Gilbert DUBOIS ( Université de Bordeaux III )

" Fonction du désert dans L'Atlantide de Pierre Benoit (1919)".

Le deuxième roman de Pierre Benoit, jeune agrégé d'Histoire affecté à l'Education Nationale, L'Atlantide, consacra ses talents de romancier et lui valut une gloire sur le contenu de laquelle on s'interroge encore. Après le traumatisme de la guerre européenne, ce roman "d'évasion" qui se situe au temps des expéditions sahariennes antérieures au cataclysme, en 1903, était perçu comme un renouement avec le passé. Il exploitait d'autre part un thème, celui de " la femme fatale ", en faveur à la fin du siècle précédent, qui allait prendre un nouvel essor dans les années 1920-1930. La fiction sur laquelle s'appuie l'auteur prend place dans la thématique des "mondes perdus" et imagine la survie de L'Atlantide, le continent englouti dont parle Platon, dans le Hoggar, après un assèchement de l'espace marin transformé en désert. La traversée du désert obéit à des fonctions multiples : illustrative et réaliste. Pierre Benoit fait part de ses propres expériences et utilise des données informatives avec talent, en professeur d'Histoire et de géographie qu'il est et qui sait faire valoir le rôle des désignations précises; imaginative, puisqu'à l'Histoire se mêle la fiction et à l'érudition réelle sa parodie ironique, dans un jeu de cache-cache avec le lecteur; initiatique, car la traversée du désert sert d'épreuve aux protagonistes pour atteindre un lieu magique et sacré, associé à une sorte de château du Graal, ou au lit de flammes qui sépare le corps de la Walkyrie de son conquérant ; symbolique, l'histoire est aussi allégorie à valeur actuelle (l'Atlantide représentant la force de secret et de résistance des guerriers touaregs), avec un déplacement sur les problèmes des rapports entre les sexes et une extension de la problématique dans l'image caducéenne des archétypes indissociablement enlacés, Eros et Thanatos. Sur le plan esthétique et littéraire, on constate une volonté d'exotisme, par le choix des noms propres, créant un dépaysement à la manière parnassienne, et surtout par la coloration, en deux couleurs, sans nuances, unies et contrastées qui rappelle la technique du fauvisme.

2) Geneviève DUBOIS (Université Victor Ségalen Bordeaux II)

" Le désert apprivoisé : halte en littérature pour l'enfance ".

Le désert (le désert affectif ) est la grande angoisse de l'enfant. Il rêve aussi de fuite dans le désert (l'île déserte), quand les conflits avec l'entourage lui sont trop difficiles à vivre. Dans les livres d'enfance sur le désert, celui-ci est apprivoisé. Il est présenté comme lieu de vie, de liberté, d'illusion, de rêve, de merveilleux, lieu de parcours initiatique et de sublimation.
Quelques œuvres de littérature pour l'enfance (proposés à des enfants vivant en France) seront présentés, qui font appel à une thématique à motifs divers : le désert et oasis, l'eau et la soif, l'infini, la halte et le parcours, l'aventure, le rêve et la réalité, la vie à l'envers.

L'APPEL DU DESERT (I)

3) Chantal DAGRON (Université Sorbonne Nouvelle)

" Le désert dans l'antiquité grecque et latine :une lecture de la frontière ".

La Grèce ne vivait qu'au rythme des rivages, et si la nécessité a entraîné parfois ses légions dans le Sahara, Rome ne s'intéressa guère aux territoires stériles qui bordaient ses provinces d'Afrique et d'Orient.
Mais, paradoxalement, à cette époque où seule ne comptait que la terre habitée et fertile, le "désert" devient très vite un pôle imaginaire autour duquel l'Antiquité catalysa ses interrogations et ses incertitudes.
Nous interrogerons Eschyle, Hérodote, Pline ou Lucain pour comprendre comment, à travers la Tragédie, l'épopée ou l'enquête géographique, en dehors de tout cliché, ils ont transcrit l'absolument vide. Nous lirons comment ils interprétèrent le désert, frontière entre l'humain et l'inhumain, le civilisé et le sauvage, la raison et la folie.

4) Gisèle MATHIEU-CASTELLENI (Université de Paris VII)

" Le désert dans la littérature baroque ".

Bien avant que la littérature française affirme son attrait pour les lieux sauvages et l'exotisme, la poésie de l'âge baroque (1570-1630), rompant avec la topique et les codes descriptifs de la génération précédente, s'ouvre aux charmes du désert et chante son puissant attrait sur une humeur mélancolique.
On proposera ici une petite anthologie de ces textes, où les qualifications du désert permettent de saisir les divers motifs qui composent un nouveau paysage mental ; on s'attachera aux principaux modèles ou anti-modèles qui organisent sa représentation, et on essaiera de définir les traits de l'imaginaire baroque qui se donnent à voir dans l'évocation des lieux sauvages et désertiques où erre un amant désespéré.

5) Marie ROUÉ (CNRS)

" Le désert et la forêt : polysémie et écologisme ".

Dans la Bible le désert est le lieu de la révélation, de la quête mystique. Ce désert de la Bible a été traduit en anglais par Wilderness. Quand les puritains débarquèrent en Amérique pour fonder un nouveau monde, ils furent d'abord effrayés et séduits par les étendues sauvages/ Wilderness qu'ils se proposaient de conquérir. Dans un deuxième temps, quand les forêts primaires ont été largement défrichées, et après un retour des intellectuels américains vers le romantisme de l'Alma Mater, ce Wilderness fit l'objet d'autres sentiments : il fallait alors le chérir et le protéger. Pour les protestants victimes des guerres de religion en France, le " désert " n'est autre que la clairière des forêts où ils se cachaient pour prier ensemble lors des terribles persécutions des guerres de religion. Cette polysémie a donné lieu à la naissance du mouvement écologiste américain, et sans doute à certaines de ses ambiguïtés vis à vis d'une nature que l'on ne peut sauver pour l'humanité que si on se la présente vidée de toute présence humaine.


L'APPEL DU DESERT (II)


6) Patrick Feyler : (Université de Bordeaux III)

"Le désert dans l'oeuvre de Gustave Flaubert ".

On étudiera l'image que Flaubert s'est faite du désert avant ses voyages en Orient, dans ces œuvres de jeunesse, la révélation du désert dans les lettres et les notes au cours de ses voyages en Orient et la trace de cette expérience dans les œuvres ultérieures. Et l'on tentera, en guise de conclusion, de cerner l'importance esthétique et le rôle symbolique du désert dans l'œuvre du romancier.

7) Rachel BOUVET (Université du Québec)

" Etude de la figuration du désert : le nomadisme, le mysticisme et l'altérité ".

L'objet de cette communication sera d'explorer trois axes de la figuration du désert : le nomadisme, le mysticisme et l'altérité.
Tout en se déplaçant sans arrêt, les nomades parsèment le désert d'indices qu'il s'agit de déchiffrer. Afin de figurer l'espace désertique, quelques textes littéraires, comme Désert de J.M.G. Le Clézio et Les hommes qui marchent de Malika Mokeddem, se basent sur cette " sémiotique du désert " plutôt que sur celle du sédentaire, pour qui le désert symbolise le vide, le dépouillement, l'immobilité.
Pour les mystiques ce n'est pas le désert en soi qui les attire : c'est le fait qu'il est un moyen d'accéder au divin, de participer au surgissement du sens. Cet " appel du désert " peut s'observer, entre autres, dans Le soupçon et Le désert d'Edmond Jabès ainsi que dans Les marches du sable d'Andrée Chédid.
Lire un texte mettant en scène le désert conduit souvent à expérimenter, sur le mode imaginaire, l'altérité du lieu, à s'identifier à des personnages devant s'adapter à un nouvel espace et faire l'expérience des limites. C'est ce qu'on trouve dans Un thé au Sahara de Paul Bowles et Terre des hommes de Saint-Exupéry.

8) Isabelle LARRIVÉE (Ecole Américaine de Casablanca)

" Qays et Marie : de la dépossession à l'extase. Etude comparative de Layla, ma raison d'André Miquel et de Marie d'Egypte de Jacques Lacarrière ".

Bien que s'intéressant à des histoires différentes, les deux oeuvres qui figurent dans l'intitulé présentent des similitudes frappantes dans le rôle qu'y joue le désert comme lieu de dépossession et d'extase.
Quais, en effet, après s'être vu rejeté par la famille de Layla qu'il adorait, part vivre sa folie dans le désert. Marie, par le chemin de la conversion religieuse, choisit de vivre en anachorète, et va, elle aussi, se perdre, en un sens, dans le désert.
Je tenterai donc de voir comment le désert agit en deux temps sur ces personnages : d'abord par l'introjection du vide, démarche par laquelle ce n'est plus l'homme qui affirme sa maîtrise sur la nature mais l'inverse ; ensuite par l'abolition et la perte du moi, nécessaire à l'extase amoureuse et mystique.

9) Jean-François DURAND (Université de Montpellier III)

" Ernest Psichari et Théodore Monod, deux visions du désert ".

Ernest Psichari (1883/1914) est l'exemple accompli de l'officier saharien cultivé qui a demandé au désert les clefs d'une expérience initiatique. Dans des livres désormais classiques (L'Aappel des armes, Les Voix qui crient dans le désert, Le voyage du centurion), l'on voit comment Psichari, s'inspirant de sa culture gréco-latine, invente un nouveau paysage saharien, qui n'est plus celui de l'orientalisme (Fromentin) ni non plus du courant algérianiste (Louis Bertrand).
Théodore Monod lit à vingt ans Le Voyage du centurion. Il écrit en 1923 un bref récit qui s'en inspire, Maxence au désert. Mais tout se passe comme si Monod, dans la réécriture, avait voulu démythifier le désert de Psichari et le ramener à une dimension plus humaine, plus humble qui émane de la culture protestante de l'auteur. Le prisme est désormais biblique.
Ce sont les thèmes récurrents de ces imaginaires du désert, de ces deux poétiques, que je me propose de mettre en valeur dans cette communication.

PAYSAGES, IMPRESSIONS DE VOYAGES ET REGARDS METIS


10) Romdhane BEN SLAMA (IPEIS Gabès-Tunisie)

" Universalité des angles privilégiés : étude de cas des dunes de sable du Sahara, critères angulaires d'équilibre et de déséquilibre ".

Dans cet article, nous allons essayer de défricher la présence d'Angles Privilégiés dans les formes géométriques que constituent les dunes de sable du Sahara.
En effet, ces Angles Privilégiés, synonymes d'équilibre et de stabilité, sont omniprésents là où il y a un écoulement d'air ou d'eau (un fluide quelconque) contournant un obstacle. Les dunes de sable sont donc un exemple remarquable, puisque le vent les façonne selon des formes et dessins spécifiques, de manière à ce qu'elles soient stables. C'est probablement la fréquence de ces Angles Privilégiés dans les dunes de sable qui fait que celles-ci sont esthétiquement belles.
Une question s'impose : n'y aurait-il pas un lien entre les critères d'équilibre et de déséquilibre physique, et la notion d'esthétique que nous portons tous sur un objet jugé être plus ou moins beau ?

11) Daniel LEUWERS (Université de Tours)

" Du désert australien au désert africain ".

Tout en me basant sur mon expérience personnelle qui m'a conduit à vivre trois ans en Australie et cinq ans entre le Sénégal et la Mauritanie, je tenterai, dans ma communication, de dégager la spécificité de ces deux types de désert, de voir en quoi et pourquoi le désert australien s'impose comme un "monde vierge et néant", et de discerner ce qui fait participer le désert mauritanien d'une approche plus humaine et plus conflictuelle.
S'en suivra une réflexion sur la notion de "regard métis", seule à même de métamorphoser l'art aujourd'hui.

12) Pierre DEYTS (LAPRIL, Bordeaux III)

" Un voyageur romantique dans le désert : Alexandre Dumas ; Algérie, Tunisie, Espagne, Italie, Sicile, Caucase ".

Comme la plupart des romantiques, Alexandre Dumas pratique l'art de voyager - il sillonne l'Europe et la Méditerranée à partir de 1830 -, mais aussi celui de raconter ses aventures. Exploitant la veine commerciale des impressions de voyage, il alimente le feuilleton des journaux auxquels il collabore ; ses textes relèvent en même temps du journalisme, de l'ethnographie et de l'art du conte.
Ses pérégrinations le conduisent dans toute l'Europe et la Méditerranée, sa terre d'élection restant l'Italie ; les déserts constituent donc pour lui l'expérience parfois insolite ou effrayante des confins, des marges de son univers.
Le voyageur Dumas s'intéresse pourtant à la diversité des paysages désertiques, comme aux hommes rencontrés et fait œuvre d'ethnographe rapportant en un étonnant patchwork descriptions, récits, dialogues et même recettes de cuisine.

13) Ildiko LÖRINSKY (Université ELTE, Budapest, Hongrie)

" Le désert flaubertien ".

Les notes de voyage, que Flaubert n'a jamais publiées, constituent un catalogue inépuisable d'images personnelles dont on retrouve les traces dans presque toutes les œuvres à venir. Le désert constitue l'une des scènes récurrentes dans les textes flaubertiens à sujet oriental.
Les Fils du Derviche, "conte oriental" resté à l'état de scénarios développés, aurait été, selon la formule de l'écrivain, un " conte du désert ". L'auteur aurait pu être influencé par les "conteurs du désert", tradition connue en France grâce aux voyageurs et à quelques travaux érudits, mais le choix du désert comme cadre peut s'expliquer également par d'autres raisons.
Le choix du désert se présente comme une véritable option esthétique permettant à l'auteur de travailler sur un terrain inexploré qui offre un champ symbolique très vaste et une grande liberté créatrice au pouvoir de l'imaginaire.
Le problème de l'immobilité qui apparaît très tôt dans les réflexions de Flaubert sur l'orient n'est pas sans rapport avec un ensemble très vaste qui prendra la forme d'une conception de l'histoire, et que reflétera, en partie, la structure temporelle des romans comme Salammbô et, plus tard, L'Éducation sentimentale.

14) Mohamed BALHI (Algérie)

" Biskra, du limes à Gide ".

Dès la fin du 19e siècle la ville de Biskra, située aux confins du désert, sur le limes établi par Rome pour se prémunir de l'invasion des nomades, a exercé une fascination et une attraction auprès des occidentaux qui étaient à la recherche de sensations fortes et exotiques. Ceux-ci y venaient pour des soins en raison d'un climat clément.
Le désert, lieu de fantasme par excellence, va susciter toute une littérature de voyage ; mais aussi une peinture et une forme d'architecture. Biskra, comme Kairouan ou Tanger, est un cas d'étude. Les regards qui y étaient portés dérangent, séduisent, stimulent.

15) Amina BEKKAT (Université de Blida, Algérie)

" L'image du désert dans les romans de Mohamed Dib ".

Mohamed Dib, considéré comme l'écrivain algérien le plus constant de par sa production régulière et ininterrompue, revient au désert après un long exil dans les paysages enneigés du grand Nord. Il publie successivement quatre ouvrages abordant le thème désertique : Le désert sans détour (1992), L'Infante Maure (1994), L'aube Ismaël (1997) et L'arbre à dires (1998).
Le désert décrit dans ces quatre textes est parcouru par le vent qui transforme et modèle les paysages. Il peut s'apparenter dans sa nudité à la page blanche que l'écrivain couvre de signes. C'est donc un espace fondateur de la parole, du logos que Mohamed Dib inscrit au centre de sa quête, mais c'est aussi paradoxalement le lieu où rien ne dure, lieu de l'effacement et de l'éphémère. Cette dualité fondamentale décrit métaphoriquement la démarche de l'écrivain aux prises avec son œuvre, la poursuivant inlassablement, malgré le temps qui efface et détruit. C'est aussi le lieu des rêves, de la fuite d'Aggar et de son fils Ismaël, lieu qui hante nos souvenirs et inscrit notre présent dans le prolongement de toutes les quêtes et de tous les exils.

16) Marie-Anne ZOUAGHI (Université de Tunis I-Tunisie)

" Perception et représentation du désert dans l'œuvre de Maupassant ".

" Moi je me sentais attiré vers l'Afrique par un impérieux besoin, par la nostalgie du Désert ignoré, comme par le pressentiment d'une passion qui va naître ", écrit Maupassant dans sa préface à Au Soleil paru en 1884. Et, en effet, c'est d'une véritable " passion " qu'il s'agit, passion qui commence par la découverte de la Provence, de la Corse, de l'Italie, de la Sicile, et enfin du Maghreb, où il se rend tout d'abord comme journaliste en 1881, puis pour son plaisir en 1887, 88 et 90. Ces voyages, de plus en plus fréquents, témoignent d'une certaine attente, exprimée du reste par le mot " nostalgie ", ainsi que de la place du désert dans la quête spirituelle du romancier.
Comment expliquer cette authentique fascination qu'exerce le désert sur notre auteur ? Du désert, Maupassant perçoit d'abord l'extraordinaire luminosité, la chaleur torride et bien- faisante, ainsi que l'impression de vide, de nudité, de dépouillement extrême qui émane de ces immenses étendues de sable. Cette impression lui semble ouvrir sur des valeurs et un idéal de vie radicalement étrangers aux conceptions occidentales. Aussi, est-ce à partir de la perception et de la représentation du désert chez l'auteur, essentiellement les Chroniques, Au Soleil, La vie errante et les quelques nouvelles où celui-ci est évoqué, qu'il convient d'analyser la valeur symbolique de ce paysage dans l'œuvre de Maupassant.


REPRESENTATION ARTISTIQUE ET LITTERAIRE


17) Abdelhamid BARKAOUI (Université de Sfax)

" L'inconographie marine du sud-est tunisien "

En parcourant le djebel Labiodh qui constitue une frontière naturelle entre le désert tunisien et la Djeffara méditerranéenne, nous avons pu recenser plusieurs figures de bateau sur les parois de Grofa des Gsour. Plus au sud en pénétrant davantage le Sahara ou le plateau du désert et sur le mont Segdel, une scène de bataille navale a été incisée sur la paroi d'un Ghar.
Notre papier essaye, en premier, de décrire, cette iconographie navale, ensuite de chercher à situer dans le temps ces figures de navires, enfin, de voir quel est l'apport de cette imagerie quant à une meilleure compréhension des rapports entre l'homme du désert et le monde marin.

18) Béatrice BONHOMME (Université de Nice)

" Une expérience contemporaine du désert : James Sacré (poète) et Sonia Guerin (peintre) ".

James Sacré, poète français né en Vendée en 1939, part aux Etats Unis en 65 où il enseigne la littérature française. Les paysages américains, tout particulièrement le désert, vont nourrir nombre de ses recueils. Puis à la fin des années 80, la découverte émerveillée du Maroc fondera un autre lieu privilégié de cette poésie. Le texte que je voudrais présenter, Si on voit tout sans rien voir ?, paru en tirage limité en juin 95 aux éditions de la Villa Arson avec des lithographies de Sonia Guerin, est précisément un texte sur le désert, les ondulations du poème évoquant, par leur ressassement, les vagues répétitives du désert et se structurant par de légères variations autour d'un vocabulaire essentiellement répétitif.
Sonia Guerin, artiste niçoise, a illustré le livre de James Sacré et c'est également de cette expérience plastique dont je voudrais rendre compte, le livre ne se trouvant pas seulement illustré au sens strict du terme mais véritablement activé dans son fonctionnement grâce à l'idée de rythme qui intervient de façon essentielle, ainsi que celle de parcours dans l'espace du livre.

19) Pierrette RENARD (Université de Stendhal Grenoble III)

" L'expérience esthétique et intérieure du désert au XIXe siècle ".

Je me fonderai sur les œuvres d'E.Fromentin (Un été dans le Sahara, Une année dans le Sahel et Le carnet de voyage en Egypte), de P.Loti (Le désert) et je ferai quelques références au Voyage au Maroc dans Le journal de Delacroix.
J'étudierai, à partir de ces œuvres, la représentation littéraire et picturale du désert : les motifs essentiels de cette géographie orientaliste, telle qu'elle est perçue et ressentie par ces écrivains mais aussi les phénomènes de transposition et d'équivalence entre l'expression littéraire et l'expression picturale, préoccupation fondamentale pour ces écrivains dont deux étaient peintres et le troisième, Loti, dessinateur et photographe.
Je dégagerai ensuite ce que ces lectures du désert révèlent du monde intérieur des écrivains. Cet espace devient, en effet, géographie de l'inconscient. Un sens s'affirme, à la fois esprit des choses et miroitement du moi.

20) Jean-Pierre LEDUC-ADINE (Centre national de la recherche scientifique-Paris)

" La représentation du désert vu par des critiques d'art de l'époque de Fromentin ".

21) Lucie GRÉGOIRE (Montréal-Québec)

" L'Arctique et le Sahara : une expérience chorégraphique ".

Ma communication portera sur le désert en tant que lieu et mémoire dans le parcours de mon œuvre chorégraphique. A la lumière de cet itinéraire, j'exposerai le processus de création : j'expliquerai comment le paysage désertique devient générateur d'un nouveau langage chorégraphique.
Tout en se basant sur une analyse du gestuel, je montrerai le mécanisme de l'inscription d'une image du désert dans le corps pour aboutir à une danse. Je m'intéresserai, aussi, à la présence des éléments naturels (vent, lumière, terre) dans ma recherche chorégraphique. Afin de concrétiser le contenu de la communication, je présenterai et commenterai des extraits vidéos de trois œuvres chorégraphiques créées à partir du désert.

L'ERRANCE ET LA PAROLE


22) Danièle SABBAH (Université de Bordeaux III)

" Le désert dans les Livres d'Edmond Jabès : épreuve de vivre, épreuve d'écrire ".

Il s'agit d'étudier la place centrale occupée par le désert dans l'œuvre de l'écrivain Edmond Jabès, et plus particulièrement dans Le Livre des Questions. Pour cet écrivain né en Egypte, le désert représente, bien au-delà de l'anecdote autobiographique, une expérience humaine cruciale. Mais surtout, il donne lieu, avec l'exil à Paris, à une méditation fondamentale que l'écrivain transforme en une expérience d'écriture. Le désert agit tel un opérateur programmatique dans l'écriture de Jabès : non seulement comme thème, avec ses réseaux d'images et d'associations, non seulement comme source de réflexion d'ordre éthique, mais aussi plus généralement, et plus formellement, comme genre, comme rhétorique, voire comme plastique de la page. Le désert travaille l'écriture à tous ses niveaux parce qu'il est l'image de la tension entre la présence et l'absence, la vie et la mort, le rien et le tout. C'est à ce titre que l'on peut parler d'épreuve dans toute la polysémie de ce terme, souffrance, aventure, lutte, expérimentation. Si " le désert […] est l'épreuve de force engagée, par la vie, contre la mort militante… ", qu'en est-il, alors, de l'écriture du désert ?

23) Isa Van ACKER (Université d'Anvers)

" L'écriture du désert dans les romans de Le Clèzio ".

Avec un auteur comme Le Clézio, la fascination du désert est d'emblée liée à la question de sa représentation. En nous basant sur deux romans en particuliers, Le livre des fuites (1969) et Désert (1980), nous voudrions examiner les modalités de la représentation du désert dans l'œuvre de Le Clézio. Il s'agirait, entre autres, d'analyser comment le récit littéraire donne forme au désert, d'étudier le type de texte (récit fragmentaire mettant en cause sa propre narration ; récit lyrique au rythme incantatoire) en rapport avec les diverses fonctions du désert (monde menaçant de la mort et de la fuite ; univers de la quête e du renouvellement), et de mesurer l'importance du mythe pour l'écriture du désert dans les romans de J.M.G. Le Clézio.

24) Hédia ABDELKÉFI (Université de Sfax-Tunisie)

" Le désert, lieu de mémoire dans La Pierre et le Saguaro d'Yves Berger ".

Publié en 1990, La Pierre et le Saguaro, récit rétrospectif à la première personne est la compilation de plusieurs voyages effectués dans le désert américain. Toutes les expéditions réitèrent le charme ensorcelant du minéral et du végétal.
L'itinéraire des expéditions est jalonné de stations qui concourent toutes à mettre en évidence "la beauté géologique". Le culte voué à la pierre et au saguaro répond en fait à une fascination plus profonde, celle de l'origine du monde. Le récit de voyage s'avère un récit de quête : quête d'une mémoire qui interroge un double passé, celui de l'Histoire collective et celui de l'histoire individuelle.
Cette représentation du désert tire son meilleur profit de l'expression poétique. En se constituant à la fois objet et sujet du récit, le langage s'attache à dire l'indicible, à traduire le silence, à reproduire les hallucinations et à écrire les "mythologies" du héros narrateur. Fécondé par l'imaginaire, le récit n'en est pas moins irrigué par une référentialité plurielle.
Emerveillé par le vide du désert, le héros narrateur est aussi séduit par le pouvoir démiurgique des mots. Au fur et à mesure que le récit avance, le vide se remplit de sens puisant dans " le long et tremblé phrasé de la langue française ", redécouvert à la fin du récit.